La marionette Greta Thunberg

« Battre le fer tant qu’il est encore chaud et autant que l’est le climat. » Voilà ce que la jeune suédoise Greta Thunberg, seize ans, s’évertue à faire depuis qu’elle s’est élancée, il y a plusieurs mois, dans cette course effrénée contre l’imminente catastrophe environnementale.

Tout l’été, la jeune femme a voyagé de pays en pays depuis la capitale suédoise où elle vit avec ses parents jusqu’aux portes des différentes instances européennes et mondiales pour faire bouger les lignes politiques de nos dirigeants en portant le combat de l’action climatique. Véritable symbole d’espoir et de conscience écologiques pour nombre d’entre nous, elle est aujourd’hui l’activiste environnementale disposant du plus d’influence dans le monde, avec un impact tout particulier sur la jeunesse. Mais, au-dessus de sa tête, en dépit de l’absence d’émissions de CO2 que l’avion auquel elle a renoncé aurait répandues dans l’air, l’hypocrisie de sa sur-médiatisation et les ficelles tenues par la société du spectacle.

L’action de Greta Thunberg ne part sans doute pas d’un mauvais sentiment. La jeune femme est très certainement convaincue de faire le bien en vagabondant ainsi d’un pays à l’autre, tirant la sonnette d’alarme de l’urgence climatique comme elle mettrait une gifle à chaque politique qui ferait preuve d’inaction ou d’inertie face au réchauffement climatique. Ses parents, l’acteur de cinéma Svante Thunberg et la chanteuse d’opéra Malena Emman — tous deux disposant d’ailleurs d’une grande notoriété en Suède —, soutiennent et accompagnent leur fille dans ses déplacements. Embarqué sur un voilier zéro carbone [1] dans sa traversée de l’Atlantique, nos oreilles quant à elles ne peuvent pas rater les nombreux contresens auxquels la militante suédoise se heurte. Dans son engagement, Greta Thunberg s’expose et tend donc le flanc à la critique ; certains pourront lui reprocher les nombreux paradoxes face à laquelle elle se rend coupable en prenant parfois des positions invraisemblables.

Sur la question du CETA par exemple, la jeune fille n’a mot à dire. Non pas par impossibilité mais par inaction. Tandis que nous connaissons les enjeux du traité de libre-échange — importation de boeuf aux hormones, hausse des émissions de CO2 paraissent les plus absurdes — entre l’Union européenne et le Canada, cet instrument du capitalisme-libéral sert la cause et les intérêts des États, sous la tutelle des grands groupes industriels. Les populations sont, elles, mises à l’écart de la discussion, mais doivent pourtant faire face à une concurrence étrangère et cinglante qui, importée d’Europe mais aussi outre-Atlantique, affiche des prix très bas, gage d’une mauvaise qualité de la marchandise. Pas de prise de position de la part de la jeune suédoise.

© Jacques Donneaud, « Les Marionnettes »

Nouvelle aberration, le Mercosur, qui va de pair avec le CETA. Si la ratification du traité par les pays belligérants concernés est avérée, le désastre environnemental que tente d’incarner la jeune Thunberg est à ses pieds. Pays belligérants oui, ceux-là même qui mènent ensemble et de front la guerre du prix bas et de la compétitivité par la libéralisation des flux et des capitaux. Importons quelque 100 000 tonnes de viande latino-américaine — qui plus est, de piètre qualité — à bas coût et à un tarif préférentiel à 7,5 % ; en même temps, les pays européens fragilisent le secteur agricole et gèlent les moyens de ses producteurs qui (sur)vivent en partie des subventions européennes. En réalité, le secteur primaire de l’économie est fortement touché. D’après un récent rapport de la Mutualité sociale agricole rendu public cet été, il s’agirait de plus de deux agriculteurs, exploitants ou salariés du secteur agricole qui se suicideraient, chaque jour. Parmi les 605 que l’on a tristement pu comptabiliser cette année, 274 d’entre eux avaient plus de 65 ans et 4 sur 5 étaient des hommes. Un cas de surmortalité alarmant sur lequel Bruxelles ferme les yeux de manière éhontée. Sur ce sujet aussi, aucune réaction de la part de la militante écologiste.

Lors de la COP24 qui s’est tenue à Katowice en Pologne en décembre dernier, Greta Thunberg s’est exprimée. Lors de son discours, elle a, comme à son habitude, sommé les politiques d’agir. Sur-médiatisée pour une énième fois, son allocution n’a eu de sens que de symboliques et de révérences convenues. Plus de six mois après son passage à la 24ème édition de la conférence sur le climat, son impact n’aura eu d’effet ni d’influence sur les pourparlers avancés pour le CETA et le Mercosur. Placée par les communicants politiques sur le devant de la scène internationale, la jeune femme est tenue par ceux qu’elle intente et fustige. Elle est devenue, malgré elle et en quelques mois, la marionnette des pouvoirs gouvernementaux. L’entreprise de Thunberg fait beaucoup de bruit ; il est l’un de ces spectacles vivants qui divertie et complait.

Victor Penin


[1] « A bord d’un voilier zéro carbone, Greta Thunberg met le cap sur New York pour se rendre à un sommet mondial à l’ONU », Le Monde, le 14/08/2019

Un commentaire sur « La marionette Greta Thunberg »

  1. Merci au journaliste pour ses mots d’une justesse absolue. A l’heure où seule la pensée écologique est prônée par beaucoup, surtout par la jeune Thunberg, un retour à la réalité avec une vision pragmatique des choses me plaît énormément ! Bravo Victor.
    Qassem

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