Transidentité : 3 ans après, retour sur le cas Rachel Dolezal

Le cas Rachel Dolezal

Si « Dolezal » rime avec « scandale » ce n’est pas un hasard. En 2015, la quadragénaire américaine fit la une de la presse suite à l’étrange comportement qu’elle eût face au journaliste de KXLY-TV, Jeff Humphrey. L’origine de son malaise ? La banale question suivante : « Are you african american ? », question qu’elle affirme dans un premier temps ne pas comprendre avant de finalement mettre un terme à l’interview.

Peu après cette curieuse interview qui commença à soulever quelques soupçons auprès de la communauté afro-américaine, ses parents biologiques Ruthanne et Lawrence Dolezal dévoilent au grand public son certificat de naissance ainsi que des photographies d’elle jeune, prouvant à tous qu’elle est belle et bien blanche et non afro-américaine comme elle le prétendait.

Malgré cela, Rachel Dolezal persiste à affirmer haut et fort une identité ethnique afro-américaine en prônant une nouvelle forme de transidentité : la transracialité. De même que certains individus peuvent s’identifier à un genre non-conforme à leur sexe de naissance, Rachel explique ne pas s’identifier au groupe ethnique auquel elle est associée de par sa couleur de peau. « Nothing about whiteness describes who I am » déclarait-elle au magazine britannique The Guardian.

Trois ans après cette révélation, Netflix décide de lui consacrer un documentaire. Enceinte de son deuxième enfant et tentant financièrement de joindre les deux bouts en coiffant à son domicile, on suit l’ancienne présidente de la NAACP dans son nouveau quotidien après la polémique et les répercussions de celle-ci sur sa famille, mais on apprend surtout à saisir la complexité du personnage et de la construction de son identité raciale.

« The evolution of my identity was precipitated by an oppressive chidhood » [1]

À l’instar d’un portrait caricatural réduisant Rachel à une simple forme de « fraude raciale », c’est plus en profondeur que Laura Brownson, réalisatrice du documentaire, tente de comprendre les revendications du personnage et le processus de construction de son identité raciale.

On apprend donc que Rachel Dolezal est issue d’une famille de conservateur amish, communauté chrétienne connue pour son rejet de toute forme de modernité et vivant en marge de la société. En accord avec cette idéologie religieuse, la mère de Rachel choisit de les mettre au monde, elle et son grand frère Joshua, à domicile. Tout commence dès leur naissance : alors que l’accouchement de son frère aîné se passe dans les meilleurs conditions possibles, sa mère qualifie la naissance de Rachel comme « l’un des plus grands traumatismes de sa vie », ce qui établira une distinction en terme de traitement entre elle et son frère. « À cause de la manière dont je suis née, il était béni et j’étais maudite » confie-t-elle dans le documentaire.

Le portrait familial s’assombrit peu à peu à la suite de l’adoption de ses petits frères et sœurs afro-américains. Élevés dans le déni de leur condition raciale, ces enfants furent physiquement et psychologiquement maltraités de la même manière que Rachel, si ce n’est pire qu’elle. Cette troublante enfance se trouve être la genèse de la construction de l’identité ethnique de Rachel. Il semble que cette douleur commune ait poussé peu à peu Rachel à s’identifier à ses frères et sœurs adoptifs noirs, et, par extension, à la communauté afro-américaine. Sa répulsion à l’encontre d’une identité ethnique blanche est le fruit d’un traumatisme familial qui l’amène à rejeter une identité qu’elle perçoit comme oppressive.

Construction sociale ou traumatisme psychologique ?

Si la problématique de la transracialité dans sa globalité ne reste que vaguement abordée au cours du reportage, la construction de l’identité ethnique de Rachel est passée au crible et semble à la fois plus compréhensible et plus complexe qu’elle en a l’air. Rachel ne semble pas s’identifier à la communauté afro-américaine par esthétisme ou paternalisme. En réalité, la transracialité de Rachel résulte beaucoup plus d’un conflit identitaire intérieur lié à sa relation avec ses parents. Sa perception de la “race blanche”, de part son expérience personnelle, ne lui permet pas de s’identifier à celle-ci : affirmer qu’elle est blanche semble, pour elle, être une manière d’être liée à la violence du conservatisme américain et de la suprématie blanche, idéologie dont elle connaît les mécanismes puisqu’elle en fut victime, et qu’elle rejette totalement.

Alors qu’elle défend la thèse de la race comme construction sociale, permettant donc à tout un chacun de constituer sa propre identité raciale en fonction de son vécu et de ses expériences personnelles, il semble que la spécificité de son cas, illustré dans le documentaire, ne justifie pas une supposée légitimité d’un tel type de transidentité. En effet, c’est uniquement parce qu’elle rejette ce qu’elle associe à la communauté blanche, soit, les valeurs que ses parents biologiques ont tentées de lui transmettre, qu’elle ne peut pas et qu’elle ne souhaite pas s’identifier comme étant une femme blanche.

Christie Kainze-Mavala

Voir : « Rachel Dolezal, un portrait contrasté » (2018)

[1] Citation extraite du livre autobiographique In Full Color : Finding My Place in a Black and White World, de Rachel Dolezal

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