Football féminin : en quête de professionnalisation, les mots de l’internationale française Charlotte Lorgeré

Longtemps négligé, tant par le monde médiatique que par la sphère sportive elle-même, le football féminin en vient aujourd’hui à acquérir une reconnaissance certaine. Fort d’un combat centenaire, de son apogée dans les années 1920 à sa censure jusqu’en 1971, le football féminin est devenu terrain d’expression de la liberté des femmes. Remarquablement développé aux Etats-Unis, puisque sport universitaire, le football féminin a connu dans l’hexagone un succès croissant grâce, en partie, aux bonnes performances de l’équipe de France féminine. Placée depuis 2014 à la troisième place du classement FIFA, l’équipe de France féminine s’est illustrée lors des compétitions internationales faisant résonner le nom des joueuses Françaises dans les tribunes : Camille Abily, Eugénie Le Sommer ou encore Wendie Renard, devenues symboles d’un sport qui se féminise.

Russie, juin 2018. A moins d’un mois du premier coup de sifflet, la tenue de la coupe de Monde de football masculin en Russie entraîne l’euphorie collective de la part des supporters. Il ne reste qu’à espérer que celle-ci s’empare à nouveau du public majoritairement composé d’hommes l’été prochain. En effet, ce sera cette fois-ci au tour des Françaises de briller sur le terrain, qui plus est à domicile. L’occasion de promouvoir le football féminin sur la scène internationale, bien qu’ayant déjà triplé son nombre de licenciées depuis 2001.

Si, toutefois, les frontières genrées, qui auparavant freinaient la pratique sportive, tendent aujourd’hui à s’abaisser, dépassant ainsi les stéréotypes établis, le football demeure inévitablement inégalitaire. Difficile pour les femmes d’espérer la gloire internationale à l’instar de leurs collègues masculins : peu sont celles qui vivent du football, à compter 4000 euros en moyenne pour les internationales Françaises. Un revenu, certes non négligeable, mais qui s’éloigne des millions masculins.

Ettie, la poule qui n’était pas mouillée. Révélée au grand jour par la Fédération française de football, Ettie digne héritière de son père Footix, devient mascotte de la Coupe du Monde 2019. De ses grands yeux bleus irrésistibles, on espère que la jeune poule portera chance aux Bleues, à l’image de son géniteur en 1998. Une mascotte qui en dit long sur les espoirs fondés sur la coupe du Monde. Un coup de pouce médiatique pour le football féminin, les 52 matchs seront diffusés à l’antenne par TF1 et Canal+. A noter que c’est à TF1 que revient le droit de diffuser les matchs de l’équipe de France.

Pour l’occasion, Charlotte Lorgeré, internationale Française et joueuse de l’EA Guingamp, nous a accordé une entrevue. Des tirs dans la cour de récréation aux terrains de première division féminine, le football s’est imposé à la jeune femme de 23 ans comme une évidence. Titulaire d’un BTS dans la vente et le commerce, c’est bien vers le football professionnel qu’elle s’est tournée. L’ancienne défenseuse de l’AS Saint-Etienne espère bien être rappelée en équipe de France A suite à sa première sélection contre le Ghana, elle qui évolue depuis 2016 en féminine B. Guidés par sa détermination et son courage, ses mots laissent transparaître l’espoir : l’espoir, un jour, de voir éclore le football féminin sur la scène médiatique et internationale participant ainsi à sa professionnalisation.

Le Halo Magazine : Depuis combien de temps pratiques-tu le football et comment t’es venue la passion du ballon rond ?

Charlotte Lorgeré : Cela fait 17 ans que je fais du foot et cela fait désormais 8 ans que je joue en D1 féminine. J’ai joué avec les garçons de mon école et c’est eux qui m’ont amenée à le pratiquer, tout simplement. J’ai une famille assez sportive, donc j’ai touché un peu tous les sports, mais le football, c’était comme une évidence.

LHM : Beaucoup de jeunes filles voient malheureusement leurs possibilités de carrière dans le football tant amateur que professionnel réduites à néant par le manque de soutien de leur entourage. Dans ton cas, est-ce que tes parents ont accepté ta passion pour le football ?

C. L. : J’ai eu la chance d’être toujours accompagnée et soutenue par ma famille et mes proches. Ma détermination a fait que je suis là au jour d’aujourd’hui, mais c’est loin d’être fini. Il faut encore faire des sacrifices et travailler quoi qu’il arrive. Mais c’est vrai que les jeunes filles, quand elles ne sont pas soutenues, forcément lâchent et arrêtent. C’est dommage.

LHM : Penses-tu qu’il soit plus facile de faire carrière dans le football masculin que féminin ?

C. L. :Ce n’est pas du tout le même football, c’est difficile de répondre à cette question mais il faut savoir que pour être professionnel chez les garçons, c’est encore plus difficile, car il y a beaucoup de joueurs. Dans le foot féminin, il y a moins de joueuses mais moins de moyens forcément.

Le football féminin a 10 ans de retard par rapport aux hommes, il faut être patient encore… Le point un peu plus négatif, c’est la différence de moyens mis entre les différents clubs de notre championnat ! Donc incontestablement, il y a des différences de niveau et cela rend le championnat moins attractif. Il faut que les clubs mettent plus de moyens chez les filles, mais comme les médias s’intéressent moins à nous, il y a moins d’argent au sein des clubs pour investir. C’est un cercle compliqué…

LHM : Est-ce que le fait d’être une femme dans un milieu sportif qu’on attribue, à tort, aux hommes, constitue pour toi une force ?

C. L. : Oui, c’est une force d’être dans un milieu dit d’homme, car on doit encore plus prouver et se surpasser ! On a rien à envier aux hommes, vraiment, il ne faut jamais abandonner surtout. C’est la clé, je pense, dans la réussite pas seulement dans le sport mais dans la vie en général !

LHM : As-tu vu une évolution positive de la prise de conscience médiatique du sport féminin ?

C. L. : Cela fait depuis 3 ans que j’ai vraiment vu que le foot féminin a pris de l’ampleur, surtout dans le championnat de D1 : plus de spectateurs, plus de médias… Il y a des grands clubs comme Lille, Bordeaux et Marseille qui sont montés, donc ça fait rêver ! Et l’équipe de France ne cesse de progresser, donc tout avance, même si on peut penser que c’est lent. Le but, c’est que ça ne s’arrête pas et continuer d’y croire.

LHM : Comment appréhendes-tu le mondial à venir ? De quoi rêves-tu aujourd’hui ?

C. L. : J’appréhende le mondial comme une chance dans une carrière de sportive de haut niveau et dans le football français. On a la chance que cela se passe en France, il faut absolument remporter quelque chose et montrer une belle image de notre pays et du football en général, pas seulement chez les filles. Il faut qu’on arrive à parler d’un seul et même football, c’est important !

Je rêve de faire une belle carrière évidemment et d’être appelée en équipe de France. Ah, bien sûr ! Ça a toujours été mon rêve ! Mon idole a toujours été Camille Abily. Sa détermination, ses valeurs et son jeu tout simplement, m’ont donné envie de continuer et d’essayer d’y arriver surtout.

LHM : Comprends-tu qu’aujourd’hui, les internationales Françaises soient en moyenne moins payées qu’un footballeur de ligue 2 ?

C. L. : Nous avons forcément du retard par rapport aux garçons, donc une différence de salaire. Ça ne me choque pas, mais une telle différence, oui ça m’étonne car parfois on ne dirait pas que c’est du sport et du plaisir, mais plus une question d’argent. Cela m’importe peu franchement, je veux seulement que notre championnat se professionnalise complètement et que toutes les joueuses soient accompagnées et professionnelles surtout !

LHM : Comment, selon toi, bousculer les mentalités et espérer que le football féminin connaisse le même intérêt que celui de tes collègues masculins ?

C. L. : Il faut gagner un titre en équipe, tout simplement, je pense que ce sera le déclic des mentalités et je me répète, mais du temps, il faudra du temps pour que ça évolue vraiment.

LHM : Qu’est-ce que tu dirais aux jeunes filles passionnées par le foot qui rêvent, elles aussi, peut-être un jour, d’atteindre l’EDF ?

C. L. : Je dirais aux jeunes filles d’y croire, que dans la vie tout peut arriver et de croire en ses rêves, même si on pense qu’il n’y a plus d’espoir, il faut continuer !

Célestine Gentilhomme

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Twitter : @Clorgere

Instagram : @chaaaaa_5

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