Espagne : une nation qui marche pour une justice qui doit cesser de blâmer la femme

C’est lors des fêtes de Pamplune, l’été 2016, dans la région de Navarre (au nord de l’Espagne), qu’une jeune femme s’est faite violée collectivement, par cinq hommes qui se surnommaient « la meute ». Selon France Inter, les cinq Sévillans, apparemment supporteurs ultras du Séville FC, ont d’abord été condamnés par le parquet à vingt-deux ans et dix mois de prison, ainsi qu’à 100 000 euros d’amende. S’ils se sont vantés sur WhatsApp de leur viol collectif, notamment en postant une vidéo de la jeune femme, ils ont nié leur acte durant le premier procès, affirmant que la jeune femme de dix-huit ans avait été consentante.

Les méthodes discutables de la défense

Une vidéo d’elle, suivant les jeunes hommes jusqu’à leur voiture, a relancé le débat national à la suite du premier procès. La défense, qui a fait appel, a même embauché un détective privé pour enquêter sur la vie de la jeune fille afin de la condamner davantage. De plus, le juge menant l’enquête a utilisé comme pièce à conviction, une photo de la jeune femme provenant de son Facebook personnel où on la voit porter un T-shirt avec l’inscription : « quoique tu fasses, enlève ta culotte ! » Ces révélations ont ravivé les conversations concernant le statut du viol en Espagne, et surtout, sa difficile acceptation pour certains. Plusieurs questions se posent : Est-il valable de prendre pour preuve une photo provenant des réseaux sociaux ? Sachant, de plus, que ces médias ont également été le support de la vantardise des cinq assaillants de la jeune fille. Pourquoi semble-il si difficile, de concevoir qu’un consentement puisse se rompre à tout moment ? Pourquoi ne pas comprendre qu’un « non », puisse avoir d’autres formes que la forme verbale ? Pourquoi mêler à un jugement qui se doit d’être impartial, une morale fluctuante, encore empreinte de trente-six ans de dictature franquiste où la femme n’avait pas son mot à dire ?

Le viol : un mot qui semble encore difficile à prononcer

En effet, à la suite du second procès, l’un des trois juges a été favorable à la relaxe des cinq hommes. Il était pour leur disculpation. Or, selon les termes exacts, il s’agit bien de mettre un individu hors de cause, de le tenir comme irresponsable des actes dont on l’accuse. Pourtant, il y a une vidéo qui prouve la culpabilité des accusés. Le fait que la jeune femme ne dise pas, oralement, non, va à l’encontre de la définition du viol selon le code pénal espagnol, qui veut que, pour condamner un viol, il y ait « violence » ou « intimidation » et non uniquement « pénétration », comme en France. C’est pourtant ce qu’il semble s’être produit ; cependant, sans un « non » catégorique, une partie de la population refuse d’adhérer à une condamnation pour viol. On parlera davantage de : « faits constitutifs d’une agression sexuelle », par des individus « de forte carrure », « impressionnants », pour la jeune fille qui a été coincée dans un « lieu étroit et sombre », ces derniers empêchant « toute capacité de réaction » de sa part (selon les termes du second jugement). Face à ces détours, plus ou moins judicieux, la population s’est scindée en deux. En effet, une partie de la population pense que le jugement devrait être respecté comme autorité suprême, n’appelant ainsi aucune contestation de la part des individus extérieurs aux juges. Ainsi, selon l’association des procureurs, il est inadmissible que le travail des juges soit déprécié de la sorte, car « il mérite tout le respect ». Cependant, une autre part des espagnols n’est pas de cet avis.

Le relais pris par la société civile

Par conséquent, une pétition a été lancée pour destituer les juges de ce procès, afin que le jugement soit cassé. 1.2 million de personnes ont signé cette pétition, dont des individus notoires, comme la dirigeante de la banque Santander, Ana Botin, qui a déclaré sur Twitter qu’un tel événement était « un recul pour la sécurité des femmes ». L’ancienne juge, Manuela Carmena, s’est aussi prononcée en faveur de la pétition, et surtout, pour l’élaboration d’une justice en accord avec « les exigences des femmes ». La voix de l’église a même été relayée à travers un post Facebook provenant des Carmélites de l’ordre des Moniales, affirmant : « ma sœur, je te crois », repris comme slogan par les manifestants. Une telle cohésion de la part des Espagnols prouve qu’il est possible de défendre ses idées, afin de faire bouger les lignes. En effet, le gouvernement conservateur Rajoy, a avancé la possibilité de revisiter le code pénal. C’est ce pourquoi les manifestants se mobilisent. L’objectif du « je te crois », est bel et bien d’affirmer le viol comme un crime sans condition, sans soupçon envers la victime, dès lors qu’il y a preuve. N’oublions pas qu’une agression sexuelle revient à « assujettir une personne à ses désirs par un abus de pouvoir, de force en exerçant une menace implicite ou explicite. » (Selon la définition gouvernementale française). Afin d’éviter une sorte de gouvernement des juges, une justice sourde aux attentes des victimes de viol, la société civile espagnole s’est mobilisée de telle sorte que le problème de la condamnation pour viol soit corrigée. Pour autant, c’est bel et bien les mentalités qu’il faudrait corriger concernant le crime de viol, afin que les victimes ne soit pas perçues comme les criminel.le.s et vice versa.

Marthe Chalard-Malgorn

Sources :

France24 : http://www.france24.com/fr/20180429-espagne-manifestations-pamplune-jugement-viol-abus-sexuel-meute

France Inter : https://www.franceinter.fr/monde/tant-qu-on-ne-me-tue-pas-on-ne-me-croit-pas

La Croix : https://www.la-croix.com/Monde/Le-proces-viol-collectif-indigne-Espagne-2017-11-23-1300894218

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