Morts du froid et de la rue : bilan sur la situation des SDF en France

Spring is coming. L’hiver aura été rude pour les sans-abris en France entre le froid qui s’est décidé à jouer les prolongations et les déclarations de certains hommes politiques. Mais, il ne faut pas oublié que les beaux jours sont tout aussi difficile pour ceux qui vivent dans nos rues.

L’hiver était là, accompagné de son froid glaçant qui vous saisit à peine le seuil de la maison franchi. Frappé par le vent, le trajet jusqu’au métro me paraissait interminable tandis que l’aube illuminait progressivement le ciel. Dans le métro, les visages sont marqués et malgré une rame bondée personne ne parle. Seul le ronronnement du métro rythme le trajet monotone jusqu’au centre-ville. En sortant du métro je vois un homme encore endormi malgré l’agitation matinale. Entassé sous plusieurs couvertures il tente de résister au froid et à la pluie qui ne cesse de tomber depuis plusieurs jours. Un peu plus loin un autre homme, lui, est réveillé et il range ses affaires, transi de froid. Ils sont bien là ces hommes et ces femmes qui vivent à la rue et pourtant ils paraissent invisibles. Les gens préfèrent détourner les yeux plutôt que les regarder et se retrouver alors seuls face à leur sens moral : donner ou ne pas donner, telle est la question !

Dans le courant du mois de juillet, le Président de la République Emmanuel Macron avait déclaré qu’il ne voulait plus « d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues ». Force est de constater que malgré cela la situation n’a guère évolué. Déjà Nicolas Sarkozy avait promis qu’il n’y aurait plus de sans abri en 2008. Une enquête de l’INSEE de 2012 recensait environs 130 000 sans domicile fixe en France dont 10% de sans abri. D’autres associations comme la FNARS (Fédération des acteurs de la solidarité) évoquent des chiffres bien plus élevés se situant entre 150 000 et 240 000. Selon la fondation Abbé Pierre, le nombre de sans domicile aurait augmenté de 50% depuis le début des années 2000. Selon cette même association, on recense 3.6 millions de personnes qui sont dans des situations de logements précaires, qui vivent dans des conditions très difficiles ou qui sont privées de domicile personnel.

Malgré les promesses du président Macron, les places d’hébergement ne sont pas encore assez nombreuses et contrairement à ce qu’affirme M. Castaner, porte-parole de LREM, non il n’y a pas d’hommes et de femmes qui refusent d’être sortis de la rue. Il a d’ailleurs été contredit par de nombreux responsables d’association dont le directeur général d’Emmaüs Solidarité Bruno Morel. En 2017, les sans abri avaient accès à 128 000 places d’hébergement d’urgence pour un coût annuel dans le budget de l’Etat de 1.7 milliards d’euros. Dans de nombreux cas, ce sont de simples chambres d’hôtel. Or, c’est le dispositif d’accueil d’urgence qui coûte le plus cher. Au vu des pertes pour l’Etat suite à la suppression d’une partie de l’ISF (environs 4 milliards d’euros), on peut s’étonner qu’il n’y ait pas plus d’argent investi dans des centres d’accueil gérés par l’Etat afin d’accueillir toutes les personnes en détresse. De plus, selon le Samu Social, la majorité des appels au 115 n’aboutissent pas (70% en 2015) et parmi les 30% traités, un quart est resté sans solution.

Enfin, les derniers chiffres sont les moins précis mais ceux qui montrent à quel point la situation n’est plus tenable. Le Collectif des morts pour la rue dénombre pour l’année 2017 au moins 403 personnes SDF mortes. Parmi eux il y a Denko, mort à 16 ans, Franck qui avait 52 ans, Gilbert âgé de 75 ans mais aussi Roberte, Jérôme, Manuel ou Sébastien. Cependant, de l’aveu même du collectif, ces chiffres sont loin d’être exhaustifs. Selon un article de 2014, ces chiffres représenteraient environs 20% des chiffres réels, ce qui donnerait donc environ 2000 personnes mortes dans la rue pour la simple année 2017.

La question que nous devons nous poser est quel genre de société sommes-nous pour laisser une telle situation se poursuivre ?

Julien Troussicot

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