Les voitures électriques, ou l’illusion de véhicules « propres »

Depuis quelques années, le gouvernement fait la promotion de la voiture électrique sur le territoire national. Présentée comme un « véhicule propre », en comparaison aux voitures thermiques jugées plus polluantes, la voiture électrique est envisagée comme le véhicule du futur. Cependant, entre sa fabrication et les matériaux utilisés, l’empreinte écologique est loin d’être nulle ; elle est simplement délocalisée. 

Les avertissements des scientifiques quant à l’état de la planète se multiplient : dans une déclaration publiée dans le revue BioScience, 15 000 scientifiques, majoritairement lauréats du Prix Nobel, ont lancé un avertissement face au risque de déstabilisation de la planète, faute d’actions pour préserver l’environnement et les écosystèmes. Selon eux, les menaces s’aggravent et l’humanité ne réagit pas. En effet, en 1992, plus de 1 500 scientifiques avaient déjà adressé un avertissement aux dirigeants gouvernementaux, les mettant en garde sur l’impact des activités de l’homme sur la nature. La parution de ce « deuxième avertissement », tel qu’ils le qualifient, examine l’évolution de la situation et évalue les réponses humaines apportées. Et la conclusion est alarmante ; tous les voyants sont au rouge : déforestation, émission de gaz à effet de serre, baisse du nombre de mammifères, diminution de la quantité d’eau potable disponible, etc. A l’exception des mesures internationales prises pour stabiliser la couche d’ozone, les réponses apportées depuis le premier avertissement sont décevantes et insuffisantes. Les scientifiques jugent que « l’humanité ne fait pas ce qui devrait être entrepris de manière urgente pour sauvegarder la biosphère menacée », et que la plupart des problèmes précédemment évoqués persistent et s’aggravent. Même s’il sera bientôt trop tard pour inverser cette tendance dangereuse – n’excluant pas la possibilité d’une sixième extinction de masse, il est encore possible d’inverser le pente actuellement empruntée pour permettre aux écosystèmes de retrouver leur durabilité.

Les gouvernements, prenant en considération les problèmes qui s’imposent à eux – de façon probablement insuffisante cependant, proposent des solutions pour un monde plus vert et durable. En France, une des mesures qui fait autant polémique qu’elle fait couler d’encre, est celle des voitures électriques. Ayant pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre, la voiture thermique tend à être remplacée progressivement par la voiture électrique, jugée plus écologique et n’émettant pas de CO2. Alors que la pollution atmosphérique serait responsable de près de 50 000 morts par an, en France, la maire de Paris, Anne Hidalgo, entend débarrasser la capitale des moteurs thermiques d’ici à 2030. Néanmoins, la communication autour des voitures électriques, vendues comme parfaitement propres, est trompeuse. En effet, l’impact écologique de ces véhicules est seulement mesurée par leur émission de CO2. Mais il est nécessaire de prendre en compte le processus de fabrication, les matériaux utilisés, et dans le cas présent, l’origine de l’électricité. Bien que le véhicule électrique n’est source d’aucun rejet, il génère une pollution grise, c’est-à-dire une pollution masquée. Lorsqu’on inclut l’ensemble des facteurs de fabrication et d’utilisation, la voiture « propre » rejette deux fois plus de gaz carbonique et de particules qu’une voiture dite classique. Cela s’explique par les matériaux intervenants dans la fabrication des batteries, principalement l’uranium et le lithium. Ce dernier métal, que l’on retrouve dans les batteries parce qu’il est léger et qu’il convertit bien l’énergie chimique en énergie électrique, est pourtant une ressource périssable et très peu recyclée. De plus, son extraction se fait principalement en Amérique latine, dans des mines extrêmement polluantes, aux conditions humaines déplorables, et elle utilise de l’eau, ressource déjà rare dans les régions andines. Adela, guide pour les touristes qui se rendent dans le désert d’Atacama au Chili, constate :

« Ici dans cette lagune on a beaucoup de flamands roses. (…) Ces lagune étaient plus profondes avant, et maintenant elles ont diminué, tout cela nous inquiète beaucoup, parce qu’on essaye de préserver cette réserve. Les mines de lithium ou de cuivre consomment énormément d’eau ».

Parallèlement à la fragilisation des écosystèmes, les modèles électriques fonctionnent en France à partir de l’énergie nucléaire, dont l’impact environnemental du stockage des déchets radioactifs n’est pas négligeable. En Allemagne et en Chine, l’électricité est principalement produite par le charbon, émetteur de CO2. En définitive, la voiture électrique ne fait que déplacer la pollution, et la délocalise localement, autour des mines de lithium et d’uranium. La stigmatisation du secteur des transports au regard de l’émission de gaz à effet de serre, semble pourtant excessive. D’autres domaines émettent davantage de CO2, comme l’agriculture, ou la production d’électricité et de chaleur.

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Sans pour autant remettre en question l’impact écologique des véhicules thermiques, dans le monde le secteur qui émet le plus de gaz à effet de serre, est celui de la production d’électricité et de chaleur. Ce domaine, bien qu’intrinsèquement lié à la question des transports – qui fonctionnent grâce à cette production, reste une question secondaire et devrait peut-être constituer une priorité par le gouvernement. Ce dernier présente une contradiction apparente : il peine à développer les énergies vertes dans le secteur de leur production, tout en focalisant l’attention de l’opinion publique sur la question des transports. Doit-on le voir comme une manifestation de l’impuissance de l’État à « s’attaquer » au domaine de la production énergétique ? Dans la poursuite de cette idée, la présence de Nicolas Hulot au gouvernement pourrait être une manière d’entamer la transition écologique du pays. Alors que les critiques dénonçaient la capitulation du ministre – suite au choix de repousser l’échéance de ramener de moitié la part du nucléaire dans la production d’électricité française, le délais semblait intenable. Les spécialistes de l’énergie s’accordent pour dire qu’il aurait fallu accroître le recourt aux énergies fossiles, comme c’est le cas en Allemagne et au Japon, avant que les énergies renouvelables ne puissent s’y substituer.

Pour revenir à l’impact écologique engendré par la fabrication et l’utilisation des voitures électriques, le problème reste entier. Malgré l’apparente volonté de rendre le territoire national plus réactif face aux défis climatiques, les réponses proposées se contentent de délocaliser l’empreinte écologique, ici notamment en Amérique latine. Quelles sont les solutions pour diminuer l’émission des gaz à effet de serre ? A Copenhague, la politique de développement de la ville est claire : pour la première fois, le nombre de vélos circulant dans la capitale danoise a dépassé celui des voitures. Possible solution pour un déplacement strictement urbain, la transition écologique concernant les transports peine toujours à se faire ressentir en campagnes, où l’usage de la voiture semble pour l’instant inévitable. Globalement, l’urgence de la situation et les solution apportées ne sont pas à considérer d’un point de vue seulement ethnocentré, puisque tous les pays sont concernés. Et même si les gouvernements ont une responsabilité et un pouvoir d’action, la transition écologique passe par l’action, également indispensable, de chaque individu. En témoignent les sommets écologiques et les COP, malheureusement décevants et donnant lieu à peu de changement.

Anaïs Marie

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