Al’Mata : parcours d’un dessinateur engagé

Les 14, 15 et 16 octobre avait lieu, au May-sur-Èvre (49), le 11ème Festival de la Bande Dessinée Engagée. Organisé chaque année par l’association Bandes à Part, ce festival nous invite à découvrir des auteurs engagés, leurs combats, mais aussi leurs parcours à travers des expositions, débats, séances de dédicaces… Une occasion de découvrir des œuvres, mais aussi de jouir d’une proximité avec les auteurs que l’on ne peut retrouver dans des festivals de plus grande ampleur (Angoulême, par exemple).

Nous en avons profité pour poser quelques question à Al’Mata, dessinateur de la série Les Tribulations d’Alphonse Madiba dit-Daudet, présenté au festival avec son scénariste Christophe Edimo. La série, préfacée par Maître Gims, raconte l’histoire d’Alphonse Madiba un étudiant sans succès qui après s’être fait expulser de France, retourne en Balaphonie, son pays d’Afrique. Il se fait alors passer pour un grand professeur, et prétend bientôt obtenir un poste ministériel. Ce qui lui permet de se faire entretenir par son village et sa famille tout  en ne souhaitant qu’une chose : retourner en France, le pays d’Alphonse Daudet. Al’Mata revient pour nous sur son parcours de dessinateur, l’occasion de découvrir la trajectoire particulière de cet ancien caricaturiste congolais.   

Le Halo Magazine : Par quel biais vous êtes vous intéressé à la bande dessinée ?

Al’Mata : Je suis arrivé à la bande dessinée par l’influence de mes deux grands frères qui dessinaient pour le plaisir, mes grands frères et cousins dessinaient beaucoup et j’ai emboîté le pas en achetant beaucoup de BD franco belges comme Zembla, Akim, les séries dessinées western les comics américains .. J’ai commencé à dessiner jusqu’à faire les écoles des Beaux-Arts, après les écoles de beaux-arts j’ai enseigné une année aux beaux-arts de Kinshasa. Pendant que j’étais aux Beaux-Arts j’ai été contacté par un organe de presse local. Pendant l’avènement de la démocratie au Congo, il y avait de nombreux journaux  en vogue et j’ai donc commencé à dessiner dans cet organe de presse. Mes dessins occupaient toute la dernière page, je faisais des caricatures. J’ai ensuite été contacté par d’autres organes de presse, on était à cette époque 4 ou 5 dessinateurs vraiment en vogue . C’est à ce moment que je me suis lancé dans la bande dessinée. On n’avait pas d’éditeurs qui publiaient des bandes dessinées, dans mon journal avait été crée un supplément culturel et sportif et j’en ai profité pour inclure à chaque édition une page de bande dessinée. C’est là que j’ai commencé à être publié dans une édition avec un grand écrivain de mon pays qui s’appelle Zamenga Batukezanga qui m’avait contacté pour faire un album pour la sensibilisation qui s’intitule Pourquoi tout pourri chez nous ?. Voilà comment je suis arrivé à faire de la bande dessinée. 

L.H.M. : Vous avez ensuite été forcé de partir de votre pays, car le gouvernement n’avait pas apprécié certaines de vos caricatures. Comment avez vous vécu ce départ professionnellement parlant. On imagine la renommée que vous aviez en Europe n’était pas la même que celle que vous aviez en Afrique. Comment avez vu eu des contacts avec l’Europe?

A.M. : Tout à fait ! Je dis souvent à mes amis que si j’étais resté dans mon pays je serai comme Zep par exemple ou Van Hamme l’auteur de Largo Winch parce que j’étais très connu chez moi, que ce soit dans la classe politique ou sociale. Cependant j’avais déjà des contacts depuis que j’étais à Kinshasa, vers les années 95, avec le dessinateur français Jacques Faizant (célèbre dessinateur de presse français ayant notamment travaillé au Figaro entre 1960 et 2005), j’ai participé à des concours en Belgique pour jeunes dessinateurs de BD et j’ai également participé à un album collectif qui a été édité en France par une ONG, album qui s’intitule A l’Ombre du Baobab. C’est cet album qui m’a permis d’avoir une sorte de carte de visite par rapport au public français. Avant cela en 1990 j’ai participé à un stage de BD avec un auteur belge qui signe Turk, il a dessiné Léonard le génie, j’avais donc des contacts avec pas mal d’auteurs européens. A Kinshasa on avait organisé le Salon de la Bande Dessinée donc on a connu des auteurs venant d’Europe, Franck Pé, Desberg. Il y avait aussi Ptiluc, un grand dessinateur français qui a chapeauté un projet de Kinshasa avec cinq dessinateurs congolais et d’autres dessinateurs africains chez Albin Michel. Quand je suis venu en France l’album n’était pas encore sorti car on n’avait pas fini les planches donc je les ai fini en France où est paru l’album.

L.H.M. : Continuez-vous la caricature aujourd’hui ou est-ce que vous avez arrêté ?

A.M. : Aujourd’hui non, j’avais continué à envoyer des caricatures quand je suis arrivé en France, je les scannais et les envoyais par internet, mais ça me faisait un peu mal car j’étais un peu déconnecté de la réalité politique que je ne vivais plus dans mon quotidien. Suivre ces informations de loin pendant que j’avais mon quotidien en France faisait que j’étais un peu décalé de ça. Mais ce qui m’a le plus fait réfléchir c’est que j’envoyais mes caricatures à un militant et qu’il a été retrouvé mort dans la rue comme ça. Je me suis dit « ça, ça craint » et mon petit frère qui travaillais à Kinshasa dans un organe de presse s’est fait arrêter. Je me suis dit qu’il ne fallait pas que je mette ma famille en danger, car une partie vit encore à Kinshasa.

L.H.M. : Avez vous vous des projets pour plus tard ?

A.M. : Oui, nous continuons la série Alphonse Madiba dit-Daudet je suis en train  de préparer le dernier tome qui sortira probablement l’année prochaine. En même temps j’ai d’autres projets avec un autre scénariste et j’écris moi-même une série de gags,   donc voilà j’ai pas mal de projets.

Pour aller plus loin :

– A l’ombre du Baobab, album collectif, édité par Équilibre et Population, 2000, 63 pages

– Les Tribulations d’Alphonse Madiba dit-Daudet, scénarisé par Christophe Edimo, édité par L’Harmattan, 2016, 120 pages

http://africultures.com/le-scenariste-de-bd-un-oiseau-rare-au-congo-6923/

Maël Réveillé

Un commentaire sur « Al’Mata : parcours d’un dessinateur engagé »

  1. Avec toutes mes félicitations pour ce parcours brillant et élogieux qui témoigne de la valeur et de la qualité de vos créations artistiques.

    Al’Mata, toute ma considération pour ce noble travail qui fait l’honneur et la fierté de votre modeste personnalité.

    Que vos talents et vos facultés vous accompagnent tout au long de votre carrière artistique !

    Que vos œuvrent de l’esprit soit la manifestation remarquable de la libération de votre inspiration et imagination !

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