Entretien avec cette jeunesse qui ne perd pas la voix

L’exploit de la semaine, c’est d’avoir renoué avec cette jeunesse dite perdue, et de l’avoir retrouvée. Elle trouve encore intérêt pour ce qui est beau, pour l’esthétique, pour l’art, la musique. Et finalement, si l’on cherche bien et qu’on arrête avec ces discours archaïques de petits-gris aigris entre arthrose et p’tits bobos, celle-ci n’est pas aussi rare qu’on voudrait nous le faire croire. De cette jeunesse en perdition, la new generation qui se laisse corrompre par les conneries, on parvient à lui rompre l’os et en sucer la substantifique moelle. Le temps d’un entretien avec cinq jeunes musiciens, Kelly, Victoria, Lucile, Silvestro Dice et Nicolas, nous avons remplacé leur micro par le nôtre. Le Halo Magazine vous rapporte leur propos…

Kelly, 17 ans, élève de terminale au Lycée Montesquieu au Mans, participante à la saison 6 de The Voice

Le Halo Magazine : Comment as-tu commencé la musique ?

Kelly : C’est mon frère qui a commencé à jouer du synthé, et j’ai suivi ses traces. Avec le temps, j’ai fait partie d’un orchestre de synthétiseurs, et je prenais le rôle de chanteur parce que pour mon prof, j’avais quelque-chose. Ensuite, j’ai quitté ce groupe, j’ai appris la guitare et j’ai commencé à jouer avec mon âme-sœur Enzo. On a commencé à composer et on a créé Zokeluckers.

L.H.M. : De quel(s) instrument(s) joues-tu ?

Kelly : Du piano et de la guitare. Après, je peux me débrouiller en tam-tam, aussi. (rires)

L.H.M. : Kelly, tu as participé à la saison 6 de The Voice, cette année. Après ta sélection lors des différents castings, tu as malheureusement été éliminée lors des éditions à l’éveugle le 19 novembre. Comment as-tu vécu cette expérience ?

Kelly : Aucun regret. J’ai rencontré des gens artistiquement et humainement parlant vraiment formidables. Même si on voit ce qu’il y à la caméra, il y a des choses bien plus fortes en vrai dans les coulisses. C’est mon frère qui m’avait inscrite à l’émission sans me le dire, et j’en n’ai aucun regret.

L.H.M. : Comment t’es-tu préparée à cette aventure ? Seule ou avec quelqu’un ?

Kelly : Je répétais avec Enzo car on vivait la même aventure (ndlr : lui aussi participa à The Voice). J’ai passé beaucoup de temps avec sa famille et lui avec la mienne. Après nos castings, nous avons été selectionnés pour passer en plateau et l’émission a demandé à nos familles de nous faire la surprise. J’ai rencontré des gens là-bas, on s’est aussi ouvert aux autres.

L.H.M. : Tu passes le bac à la fin de l’année. Est-ce difficile de concilier musique et études ?

Kelly : Je suis effectivement en plein dans le bac. Ma mère m’a engueulé déjà car la musique m’occupait pas mal la tête, mais tout n’est qu’une question d’organisation, d’abord.

L.H.M. : Comment vois-tu ton avenir dans la musique ?

Kelly : Pour moi, même si elle est importante, la musique reste un loisir, car je n’ai pas vraiment confiance en moi pour l’instant. Je prends les choses comme elles viennent, comme pour The Voice.

L.H.M. : Qu’est-ce qu’évoque la musique pour toi ?

Kelly : C’est une chose indispensable car c’est une façon de se défouler et de penser à autre chose. On vit chacun la musique différemment et ça me met de bonne humeur quand je ne le suis pas.

L.H.M. : La Fête de la Musique est aujourd’hui. As-tu préparé quelque-chose ?

Kelly : Oui, on va jouer sur la Place de la République au Mans de 19 heures à 19 heures 30 avec Enzo et Mattéo (le troisième membre du groupe).

Victoria et Lucile, 19 ans, étudiantes en hypokhâgne au Lycée Bergson à Angers

Le Halo Magazine : Comment qualiferiez-vous votre musique ? Quel est votre style, quelles sont vos inspirations ?

Victoria : Je qualifierais mon univers musical de variété française et de jazz. Mais attention, de la bonne variété ! Brel (même si celui-ci est belge), Ferré… qui, néanmois, demandent un effort vocal.

Lucile : Le mien est plutôt un mélange de jazz, de pop. Les artistes qui m’inspirent sont Angus & Julia Stone, des trucs où les instruments prennent grande part.

L.H.M. : De quel(s) instrument(s) jouez-vous ? Votre instrument de prédilection ?

Lucile : Pour moi, c’est la guitare.

Victoria : La guitare classique est mon instrument de prédilection. J’en joue depuis 10 ans. Je joue aussi de la guitare folk.

L.H.M. : Quels ont été vos débuts musicaux, ensemble ?

Lucile : C’est quand on s’est fait engueuler par la dame du CDI car Victoria faisait de la musique dehors et chantait bien trop fort.

Victoria : Exact ! (rires) Sinon, au colloque inter-lycée. (ndlr : à laquelle j’ai rencontré les deux musiciennes)

L.H.M. : Quel est le meilleur moment que vous ayez passé toutes les deux ?

Victoria : Quand on a chanté « Oh Happy Day » à ce même colloque.

L.H.M. : Comment voyez-vous votre avenir dans la musique ? Individuellement ou toutes les deux ?

Victoria : Perso, je ne le vois pas. Dans quelques années, je me vois prof d’histoire-géographie, donc bon… De toute façon, la musique est pour moi une thérapie, pas comme une profession. Le chant est un délire, mais la musique reste plaisir.

Lucile : Pour ma part, j’ai un groupe avec mon école de musique dans lequel nous jouons du jazz. Individuellement, j’écris et pense éventuellement à réaliser une vidéo YouTube.

L.H.M. : Qu’est-ce qu’évoque la musique pour vous ?

Lucile : La catharsis (rire). Non, plus sérieusement, le bien-être, le voyage.

Victoria : La musique est un accompagnateur de vie, elle permet de ne pas s’auto-censurer et de pouvoir ê eccléctique dans nos vies. Il suffit de voir la musique comme un mode de vie pour pouvoir s’ouvrir à tout, aux cultures.

L.H.M. : Dernière question… Avez-vous préparé quelque-chose pour la Fête de la Musique  ?

Victoria : Je ne sais pas encore, je la ferai peut-être à Angers, en duo avec Soline Porcher.

Lucile : De mon côté, je fais la Fête de la Musique de Montreuil avec mon groupe de jazz de l’école de musique.

Silvestro Dice, 21 ans, diplômé d’une licence d’acoustique, originaire du Mans

Le Halo Magazine : Silvestro, tu m’as dit composer de l’Abstract hip-hop, parfois Ambient. J’ai du mal à cerner de quel genre musical cela tient. Peux-tu nous en dire plus sur ce style de musique ?

Silvestro Dice : C’est Nujdabes qui a créé ce genre de musique qui vient de la triphop. J’aime beaucoup le hip-hop et j’y ai ajouté des tonalités orientales. C’est très percutif et j’aime parler d’abord de hip-hop car ça regroupe à la fois les tonalités orientales et l’abstrait.

L.H.M. : Tu as commencé la musique électronique il y a cinq ans, après avoir suivi une formation de batterie. Pourquoi ce déclic soudain ?

S.D. : J’ai écouté un artiste qui s’appelle Émancipator et j’ai trouvé ça monstrueux. J’ai essayé de faire la même chose, mon frangin m’a donné un logiciel permettant de composer, et c’est venu naturellement.

L.H.M. : Quelles sont tes inspirations, tes artistes préférés ?

S.D. : Julyo… Ce n’est pas le genre de musique que je fais mais ce sont des inspirations. Il y a aussi Bonobo et Saycet.

L.H.M. : Ton blaze est Silvestro Dice. Pourquoi ce nom ? Peux-tu nous l’expliquer ?

S.D. : C’est un anagrame de mon prénom – d’où le premier album Anagramme – et les 13 pistes en acrostiche forment mon nom. J’ai estimé que la musique était trop souvent raccrochée aux noms et pas suffisamment à la musique. J’ai donc choisi un blaze pour ne pas indiquer mon vrai nom.

L.H.M. : Tu as sorti ton premier album Anagramme, il y a trois ans. Quelle expérience en tires-tu ?

S.D. : Beaucoup de choses, plein de rencontres, de collaborations, plein de personnes qui m’ont aidé à la réalisation. J’ai appris la conception de la musique, le fait de pouvoir faire un concert seul, ce qui est flippant. Maintenant, je tiens un projet de part en part, me suis fait une culture musicale et continue d’écouter d’autres artistes.

L.H.M. : Quel est ton prochain projet et comment vois-tu ton avenir dans la musique ?

S.D. : Je souhaiterais sortir un EP d’ici septembre-octobre qui sera principalement des collaborations avec des copains. Ils disent qu’il y a de bons traits pour l’instant. Et aussi le tournage d’un nouveau clip, sans doute. Mon avenir ? Je ne sais pas, on verra…

L.H.M. : Qu’est-ce qu’évoque la musique pour toi ?

S.D. : C’est l’un des arts qui donne le plus d’émotions, c’est la liberté, l’opportunité pour tout le monde de s’évader.

L.H.M. : Pourra-t-on t’écouter et te voir dans la rue, ce soir, pour La Fête de la Musique  ?

S.D. : Ce sera vendredi à Château-du-Loir à partir de 21h avec mon pote Yaul.

Nicolas, 23 ans, diplômé d’un DUT* maintenance et d’une licence professionnelle de management de la production, originaire de Chartres

Le Halo Magazine : Nicolas, comment t’es venue cette passion pour le rap ?

Nicolas : J’avais un groupe de potes en première avec qui je grattais des bouts de phrases. Eux ont laché, moi j’ai continué. J’aime beaucoup écouter du rap et donc j’ai continué à écrire.

L.H.M. : Quand et comment as-tu commencé à raper ? Comment t’organisais-tu ?

Nicolas : Mon inspiration vient comme ça. J’écrivais partout, en cours, dans mes cahiers et j’ai commencé à enregistrer mon propre son sur un MP3, à l’arrache. L’écriture venait en fonction de l’inspiration à n’importe quel moment de la journée, puis on mettait en commun avec les potes.

L.H.M. : Tu viens de sortir ton premier album To Sham, le 22 mai de cette année. Tu me confiais, avant cet entretien, que celui-ci rendait hommage à ton petit frère. Peux-tu nous en dire plus à ce propos ?

Nicolas : J’ai perdu mon petit frère quand j’étais gamin. Ce n’est qu’en grandissant que j’en ai pris conscience. Ma première chanson s’intitule « Pour toi refrè ». Cet album est autobiographique mais est aussi inspiré de moi-même et de la vie courante.

L.H.M. : Comment la sortie de cet album a-t-elle été perçue par tes proches ?

Nicolas : Elle a été perçu comme une fierté. Depuis le temps qu’ils savaient que je faisais de la musique ! Puis les premiers studios se sont concrétisés, le graphisme de l’album a été réalisé avec l’aide de mon parrain, puis il fut très apprécié par mes proches.

L.H.M. : Nicolas, ton blaze est K-Mekz. Peux-tu nous expliquer ce choix et sa signification ?

Nicolas : Ça vient du lycée. Je ne suis pas très grand et, avec mes potes, il y a toujours eu une grande différence de taille. Ceux-ci ont remarqué j’étais toujours à fond, comme en sport, par exemple. Du coup, ils m’appelaient « Kamikaze ». On cherchait mon blaze et on a trouvé ça sympa de l’écrire « K-Me4z », qui s’est transformé en « K-Mekz » avec le temps.

L.H.M. : K-Mekz donc, quel est ton prochain projet ?

Nicolas : La sortie de mon deuxième album dont je ne connais pas encore le titre. Trois morceaux le composent pour l’instant. D’ici disons un an, on verra en le bout. Toute la conception est de moi, ainsi que la décision des instrumentations en studio, contrairement au premier album.

L.H.M. : Qu’est-ce qu’évoque la musique pour toi ?

Nicolas : C’est une liberté, un moyen de s’évader dont j’ai ressenti le besoin dans le premier album. C’est sortir de la vie commune et quotidienne, s’exprimer librement, soi et sa pensée.

L.H.M. : As-tu prévu quelque-chose pour la Fête de la Musique ?

Nicolas : Non, pas pour cette année car tout est arrivé en même temps, donc je n’ai pas eu le temps de m’y préparer. Même si j’ai une vingtaine de morceaux, mes interprétations ne sont pas prêtes. Ce sera plutôt pour le second album, même si on m’a déjà proposé pour l’édition de cette année. De plus, il m’est difficile de me préparer avec mon travail.

Après avoir été « jeune et con », arrive le temps où la jeunesse, en musique, relève le défi de changer la vision réductrice que souvent on lui donne, raccourci facile qui la présente comme perdue et égarée. En relevant tous ces paradigmes, le jeune mélomane s’emparant d’un micro chante et, dans la fleur de l’âge qui est le sien, il avertit son public que rien n’est fini pour lui, et que tout commence. Car oui, on est sérieux quand on a dix-sept ans.

*DUT : Diplôme Universitaire de Technologie

Victor Penin

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